DEUX SITES ENFOUIS YAXCHILAN ET BONAMPAK
Palenque : magnifique, somptueuse, mystérieuse nous donne l’envie d’encore ! Découvrir et voir encore des cités mayas arrachées à la forêt et que la forêt tentaculaire tente de reprendre.
S’approcher encore du mystère envoûtant de cette civilisation disparue, et c’est comme ça que l’envie devient projet puis le projet réalité. On commence par rêver en prononçant leurs noms : Bonampak, Yaxchilán, on regarde les cartes, échafaude des projets, puis un jour : ON Y VA !
Yaxchilán :
Ces deux cités sont situées à environ 150 Kms de Palenque, et de ce point de départ, des tour-opérateurs locaux organisent très bien cette visite et laissent les participants presque aussi libres que s’ils étaient seuls. Nous partons donc le matin, de bonne heure, dans un « combi », prenons un petit déjeuner confortable dans une « tienda »au bord de la route, puis nous arrivons à Frontera Corozal, au bord du fleuve Usumacinta. Sur l’autre rive : c’est le Guatemala. Le paysage magnifique et la majesté de ce grand courant qui trace sa large route dans la forêt et au long duquel la vie s’organise forcent notre respect.
Nous prenons place sur une « lancha », sorte de pirogue, qui, descendant le fleuve, nous emporte jusqu’au site de Yaxchilán (en maya « el lugar de piedras verdes » le lieu des pierres vertes) nom que lui a donné quelques années après sa découverte l'archéologue austro-allemand Teobert Maler.
Niché dans une des boucles du rio , Il reste un haut lieu de culte encore vénéré par les Lacandons qui viennent y effectuer leurs rites chargés d'encens et d'offrande de Copal. Nous accostons le cœur battant . Bien sûr nous avons aperçu des ruines depuis le bateau mais rien encore vraiment .Il faut remonter sur la berge et marcher un peu dans la forêt . Déjà les bruits créent l’ambiance . Les singes atèles, dits hurleurs, s’efforcent de mériter leur nom et font entendre leur cri si caractéristique qu’on le prend parfois pour celui d’un fauve . De mystérieux oiseaux non encore aperçus chantent ce nouveau matin.
C’est comme une entrée en scène. Et soudain : LA CITÉ EST LA : trouée de lumière dans cette forêt si dense ! Yaxchilán est le prototype d'une ville perdue dans la jungle; localisée sur une haute terrasse qui borde l'un des méandres capricieux de l'Usumacinta, elle occupe une position centrale dans la forêt Lacandone. Son origine remonte à quelque deux mille années, quand un groupe d'hommes s’y sont établis fondant un village qu’au long des siècles, ils ont transformé en une des villes plus les plus belles et plus puissantes de la Cuenca de l'Usumacinta, et qui a eu sa splendeur maximale entre les années 550-900 D.C correspondant à la Période Classique Tardive. A cette époque Yaxchilán était un des centres les plus puissants du Yucatan. Elle fut une véritable Cité Etat devint même la rivale de Palenque avec laquelle elle fit la guerre en 654; Yaxchilán était au faîte de sa puissance pendant le long règne du Roi Itzamnaaj B'alam II alias «Bouclier-Jaguar II», mort à plus de 90 ans en 742.
On y découvre quatre groupes d'édifices qui s'étagent tout le long de la colline qui borde le fleuve. Devant nous sur la grande place cérémonielle; qui est encadrée de temples, des stèles gisent par terre et un escalier magnifique conduit à un temple couronné comme à Palenque d’une crête faîtière. Les linteaux des portes sont bien conservés et sont ornés de bas-reliefs qui relatent l’histoire de toute la dynastie Jaguar. Il faut savoir que la ville s’est développée dès le début du VIème siècle et connut son apogée au classique récent de 680 à 810 avec la dynastie des Jaguar (Bouclier-Jaguar, puis son fils Oiseau-Jaguar).
La dynastie des Bouclier-Jaguar de Yaxchilán
Au Xème siècle la ville s’éteint et la jungle l’engloutit. Elle est redécouverte, en ruines, en 1882 par deux explorateurs : Alfred Percival Maudslay qui après la lecture des ouvrages de John Lloyd Stephens avait éveillé son intérêt pour les cités maya, il partit d'abord pour le Guatemala, et commença par visiter les ruines de Quiriguá, puis il descendit le fleuve Usumacinta et atteignit les ruines de Yaxchilan, qu'il appela «Menche». Il y précéda de peu le Français Désiré Charnay et les deux hommes travaillèrent ensemble quelques temps sur différentes techniques.
Pour le photographe Français Désiré Charnay qui à des nombreux projet photographiques il commencer par le Mexique. IL arrive dans le port de Veracruz en novembre 1857 alors que le pays est en pleine guerre civile. Il s'installe à Mexico puis à Oaxaca et c'est de là qu'il prépare son expédition. Sa caravane crapahute avec deux tonnes de matériel à travers les espaces vierges. Les températures extrêmes il effectue ces clichés avec des plaques de verre grand format, l'humidité, la poussière, le poussent à tester des procédés expérimentaux parfois désastreux. Dans le meilleur des cas, il exécute une huitaine de négatifs par jour, chaque reproduction demandant facilement trois essais successifs. Un travail de extrêmement fatiguant.
Quelques années après son retour en France Désiré Charnay publiera en 1863 son album photographique « Cités et ruines américaines ».
C'est en 1931 que Sylvanus Morley archéologue et épigraphiste américain a commencé à mené les véritables fouilles sur le site, puis ensuite dans les années 70 c'est l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire (INAH) du gouvernement mexicain qui poursuivra les recherches archéologiques.
La visite, aujourd’hui, de cette cité perdue est sans doute pour chacun comme une découverte individuelle et l’on parcourt le site, grimpe des marches conduisant à une terrasse naturelle qui débouche sur la Gran Plaza et ses deux acropoles avec le recueillement que l’on réserve à l’exceptionnel .
Et quand il faut redescendre, retourner au fleuve, reprendre le bateau et quitter ce lieu, on sent qu’il s’est passé quelque chose de très fort. Avons-nous bien tout vu ? Avons-nous pris le temps suffisant pour ne pas oublier ? Après l’émerveillement de l’arrivée sur la grande place, l’édifice 19, ou labyrinthe, puisqu’il avait pour fonction de simuler le voyage dans l’infra monde, mérite que l’on s’y perde un peu pour en ressortir et s’éblouir encore de la vue de tous ces petits édifices ornés de leurs « cresterías » ou crêtes faîtières.
Les stèles semblent abandonnées autour de la place . Puis de nouveau des marches qu’il faut grimper pour arriver à l’édifice 33 : le plus important de Yaxchilán, qui est considéré encore par les Lacandons comme la demeure de Hachakyum ( le Dieu solaire ) à l’intérieur duquel on découvre la tête du roi Bouclier-Jaguar (VIIIème siècle) auprès de laquelle on passe en silence (photo tête du roi B-J).
Au centre de la crête, une immense statue du souverain assis. Derrière l’édifice 33, le sentier grimpe à la grande acropole qui domine tout le site et conserve des traces de peintures polychromes d’origine, en particulier ces teintes rouges inoubliables dans ce monde où le vert est roi.
BONAMPAK :
La journée pourtant n’est pas finie et l’éblouissement va continuer avec la découverte de Bonampak.
Nous sommes dans la réserve gérée par la communauté des lacandons et c’est donc la communauté qui en organise l’accès. Cité vassale de Yaxchilán à son âge d’or, c’est l’unique cité maya qui ait conservé ses peintures murales ; elles ont fait la renommée du site puisqu’elles ont constitué une source inestimable de connaissance des coutumes de la société maya.
Le site a été découvert par hasard, en 1946 par un objecteur de conscience américain Carlos Frey qui s’était réfugié et intégré pendant deux années chez les indiens lacandons.
Quelques mois plus tard vinrent John G.Bourne et H. Carl Frey , puis c'est le chasseur d'images Giles G . Healey qui fera la découverte des fresques au cours d'un film qu'il réalisa sur les Lacandons cette même année de 1946 . Au pris de mille difficultés techniques, il va prendre un grand nombre de clichés qui feront l'effet d'une bombe ! En fait c'est lui qui franchira le premier le seuil du temple des Peintures il va y découvrir les fresques et leur extraordinaire état de conservation qui révélaient le caractère très guerrier des Mayas de cette époque.
Depuis ce jour Bonampak entre définitivement dans l'histoire de l'art et des civilisations. Plus tard c'est G. Morely qui proposera la traduction littérale du nom que le site porte aujourd'hui "Bonampak" qui veut dire en yucatèque " murs peints".
Cette cité a connu son apogée durant la seconde moitié du 8eme S ap-J.C sous le règne de Chaan Muan II auquel trois stèles rendent hommage sur le site , dont celle qui date de 782 ap.J-C et qui le représente en costume de guerre avec sa lance et son bouclier.
Au premier abord la vision de ces fresques peut paraître un peu décevante car elles sont peu éclairées et il n’y a pas le recul nécessaire à leur observation , et bien qu’elles aient fait l'objet de plusieurs tentatives de restaurations, elles sont encore pour une partie partiellement indéchiffrables.
Mais si vous passez par Mexico n'oubliez pas d'aller visiter le musée d'Anthropologie où vous pourrez les admirer, et les retrouver avec tout leur éclat et la force qu'elles dégagent, notamment celles où des guerriers vêtus de peaux de jaguar et costumes cérémoniels s’adonnent à des rites de guerre, de victoire et d'auto sacrifices tandis que sur d’autres jouent des groupes de musiciens .
Tous les personnages sont peints de profil dans une même uniformité , ce qui pourrait signifier un langage gestuel pour exprimer des faits ou des idées. Mais revenons à la visite sur le site du temple des Peintures qui est composé de trois chambres où ont été réalisées ces magnifiques oeuvres il y a plus dix siècles et qui reste un moment plein d'émotion .
Les messages des fresques :
En conclusion on peut dire que le message des fresques de Bonampak complète d'une façon magistrale les informations obtenues par l'étude iconographique maya. Elles nous offrent l'image d'activités très importantes comme si l'on découvrait une sorte de film d'ethnographie, sorte de tranche de vie, avec d'innombrables détails sur les costumes, les instruments de musique, les batailles et sacrifices de cette époque. Celle ci semble avoir été le théâtre de très grandes cérémonies religieuses et nous fait penser que la présence des femmes dans ces cérémonies nous fait douter d'une structure sociale essentiellement masculine.
L’environnement est des plus prodigieux : imaginez la fin de l’après-midi, le soleil encore chaud posant sa lumière sur cet endroit magique, des oiseaux au ventre et à la queue jaunes entrent et sortent de leurs nids, sortes de poches suspendues aux branches d’un grand arbre tout fleuri de jaune lui aussi, et crient mais, pour nous, chantent la beauté du lieu et puis, comme fond à ce vaste espace qui s’offre à nous, le site étagé sur la colline qui ferme l’horizon ; on ne peut pas lui échapper, il emprisonne le regard, il invite à la montée de toutes ses marches pour entrer dans tous ses temples, admirer avec recueillement les fresques et s’extasier au plus haut du site sur la vue qui nous est donnée, puis, comme à chaque fois, la descente est triste, le départ comme un arrachement qu’il nous faut vivre, laissant les sites s’endormir dans la solitude retrouvée au coeur de la forêt Lancandone.