La Bataille de Puebla :
Rappel historique concernant l'intervention française au Mexique :
Depuis la fin du XVIIIe siècle la France a souvent servi de modèle au Mexique. Les philosophes des Lumières, la Révolution et Napoléon Bonaparte ont inspiré les « libertadores » mexicains comme José María Morelos ou Miguel Hidalgo auteur du fameux « Appel de Dolores » le 16 septembre 1810 qui lança la guerre d’Indépendance contre l’Espagne (ce jour est devenu fête nationale au Mexique).
Cependant cette perception va se peu à peu se dégrader suite à l’interventionnisme militaire français : le pays berceau de la Révolution et des Droits de l’Homme devient alors une puissance oppressive et impérialiste. Une première fois en 1838, lorsque la France intervient lors d’un épisode que l’on appellera la « Guerre des Gâteaux ». Les troupes françaises occupent le port de Veracruz, situé sur le golfe du Mexique : la France réclame le paiement de dommages causés aux citoyens français durant les révoltes survenues au Mexique ; à cette occasion un pâtissier français demanda à être indemnisé pour la perte de gâteaux lors d’une émeute. Après le bombardement du fort San Juan de Ulúa du port de Veracruz, en novembre 1838, les négociations reprirent et un accord fut trouvé en mars 1839. Le gouvernement mexicain s’engagea à payer la somme de 600 000 pesos à la France qui retira ses forces navales. Cet épisode plutôt anecdotique a marqué la mémoire collective et vous ne trouverez pas un seul Mexicain qui ignore cet événement.
Plus tard, entre 1860 et 1867, les relations franco-mexicaines vont se cristalliser au moment de ce que l’on nomme « l’Intervention française ».
En France, Napoléon III rêve de créer un empire latin en Amérique pour faire contrepoids à la puissance nord-américaine (c’est sous le Second Empire qu’apparaît la dénomination « Amérique latine »). Sollicité par les conservateurs mexicains qui ont été vaincus par les libéraux de Benito Juárez et qui veulent instaurer une monarchie catholique, Napoléon III offre le trône à l’archiduc Maximilien Ferdinand Joseph de Habsbourg (1832-1867). Celui-ci est d’abord réticent mais convaincu par sa jeune épouse, la princesse belge Charlotte de Saxe-Cobourg Gotha (1840-1927), il finit par accepter. Entre temps, la campagne militaire avait débutée en décembre 1861 par le débarquement des troupes espagnoles, anglaises et françaises dans le port de Veracruz . A l’époque, les troupes françaises embarquaient dans le port breton de Saint Nazaire qui avait été spécialement construit pour l’occasion.
Officiellement les alliés européens intervenaient pour défendre leurs intérêts financiers suite à la décision du président mexicain, Benito Juárez, de suspendre le paiement des intérêts de la dette extérieure de son pays. En avril 1862, les gouvernements anglais et espagnol trouvent un accord avec les autorités mexicaines et retirent leurs troupes : la France reste seule en lice et envoie des renforts sous les ordres du général Lorencez (1814-1881).
Le 5 mai 1862, les troupes françaises, essentiellement composées de zouaves, se ruent à l’assaut de deux petits forts situés sur une colline de la ville de Puebla. Lorencez, trop sûr de lui et de la supériorité de son armée (à l’époque l’armée française passe pour une des plus puissante du monde) prépare son attaque à la hâte et sans véritable stratégie. Les troupes mexicaines, commandées par le jeune général Ignacio Zaragoza (1829-1862), repoussent les soldats français après quelques heures de combats.
Suite à ce revers, Napoléon III rappelle Lorencez et le remplace par le général Forey (1804-1872) qui prend définitivement Puebla le 17 mai 1863 après deux mois de siège. Ensuite les Français entrèrent dans Mexico et conquirent une grande partie du Mexique.
Ignacio Zaragoza est devenu un héros national car la bataille de Puebla représente la seule victoire des mexicains sur une armée étrangère qui plus est réputée comme étant la plus puissante de l’époque. A ce titre elle est considérée comme un événement constitutif de la nation mexicaine. Malheureusement pour le jeune général, il ne put jouir longtemps de sa gloire : malade du typhus, il décéda quelques mois après son exploit.
¡ Viva México! ¡ Viva Juárez ! Viva el 5 de mayo !
La date du 5 Mai est devenue une fête nationale célébrée chaque année avec ferveur dans tout le pays
(ne manquez pas les reconstitutions de la bataille présentées par les les élèves des écoles de la ville)
Visite du site commémoratif de la bataille de Puebla
Le Centro Cívico 5 de Mayo, placé sur l’ancien champ de bataille, se situe hors centre-ville. C' est un parc aménagé au sommet du Cerro de Guadalupe, à environ deux kilomètres du centre de la ville de Puebla. On y trouve : le fort de Guadalupe, le Musée de la « No Intervención », le musée régional d’anthropologie, un musée d’histoire naturelle, un planétarium, le théâtre Onimax et le Recinto Ferial, qui organise foires et expositions. Pour vous rendre sur cette colline, vous pouvez prendre un taxi, un "combi" ou un bus ("camión", 5 pesos) dans le Boulevard Héroes del 5 de Mayo.
- Le petit musée de la « Non Intervention » doit son nom au principe politique défini par Benito Juárez au lendemain de sa victoire sur Maximilien et les Français. Il est situé dans l’ancien fort de Loreto et fut inauguré en 1972. A travers l’exposition d’uniformes, d’armes, de documents, de portraits, de tableaux et de maquettes (notamment celle de la bataille), il retrace l’histoire de l’Intervention française.
La visite commence par la « chapelle » qui abrite les symboles patriotiques mexicains : le drapeau, l’emblème et l’hymne national. Elle se poursuit avec les salles thématiques. La première est consacrée aux différentes étapes de l’Intervention et plus particulièrement au rôle des deux forts durant la bataille, la seconde est dédiée au général Zaragoza, la troisième comprend une peinture murale représentant les protagonistes de cet épisode et montre comment Juárez s’opposa à l’Empire et restaura la République.
- le musée régional de Puebla qui retrace l’histoire anthropologique de l’Etat.
- un musée des sciences interactif doté d’un planétarium.
- les forts de Guadalupe et Loreto.
- le mémorial du bicentenaire de la bataille du 5 mai.
- un auditorium et une vaste salle d’exposition où ont lieu des spectacles culturels.
Cet endroit est régulièrement visité par des cohortes d’écoliers. En outre, chaque année, les élèves des écoles de la ville de Puebla organisent une reconstitution de cette fameuse bataille.
Il faut ajouter à cela un mémorial dédié au général Zaragoza, quelques monuments commémoratifs et une douzaine d’écriteaux évoquant les différents aspects de l’événement.
Ces écriteaux sont au nombre d’une douzaine et sont répartis sur l’ensemble du site. Ils s’adressent à l’ensemble des visiteurs (mexicains et étrangers), et présentent la victoire de Puebla comme un événement de portée universelle en le replaçant dans la perspective historique de la lutte des peuples du continent contre le colonialisme européen. C’est une allusion au titre de « Benemérito de las Américas » donné à Benito Juárez après sa victoire sur les Français et aux nombreux messages de soutien qu’il reçut de la part de plusieurs dirigeants de pays d’Amérique Latine.
Même si la bataille de Puebla ne constitue pas un fait militaire remarquable (les mexicains ne firent que repousser des troupes françaises trop sûres d’elles), cette victoire est également très célébrée aux Etats-Unis où les « chicanos » (immigrés originaires du Mexique qui vivent aux Etats-Unis) en font un élément constitutif de leur identité mexicaine.
Finalement, Napoléon III dut rappeler le corps expéditionnaire français en décembre 1866 sous la pression des Etats-Unis qui, une fois la guerre de Sécession terminée, menaçaient d’intervenir militairement au Mexique. D’autre part, il devait faire face à la menace d’une guerre avec la Prusse.
Malgré les suppliques de l’impératrice Charlotte, malgré l’intervention d’un émissaire spécial dépêché par la France, Maximilien se refusa à abdiquer et à retourner en Europe. Isolé, il se replia avec ce qui restait de l’armée impériale à Querétaro où il fut capturé avec deux de ses généraux mexicains, Tomás Mejía et Miguel Miramón.
Après un jugement et en dépit de l’intervention de Victor Hugo qui envoya une lettre à Benito Juárez pour lui demander sa grâce, Maximilien et les deux généraux furent fusillés le 19 juin 1867 sur la colline des Cloches (Cerro de las Campanas).
Il convient de signaler que le tableau de Manet est historiquement faux puisque lors de son exécution, Maximilien n’était pas placé entre ses deux généraux mais sur le côté droit, Miguel Miramón occupant la place centrale.
Enfin, on observe que les soldats du peloton d’exécution sont vêtus d’uniformes de l’armée impériale française et que Manet donna au soldat en képi rouge (celui qui recharge son fusil à droite) les traits de Napoléon III : ainsi voulait-il signifier que c’était la France qui assassinait Maximilien, le peuple mexicain (représenté par les personnages accoudés en haut du mur) n’étant que spectateur.
La princesse belge Charlotte de Saxe-Cobourg Gotha surnommée au Mexique " Mama Carlotá ".Charlotte, devenue folle, se réfugia au château de Bouchout en Belgique, où elle vécut jusqu’à l’âge de 87 ans, inconsolable de la mort de son époux et en proie à des accès de folie peut-être provoqués par le chagrin.
Faut-il remettre en question la raison de la folie de la pauvre Charlotte ? En tout cas voilà des circonstances bien atténuantes...
A ce propos, il est intéressant de lire le roman (traduit en français) de l’écrivain mexicain Fernando del Paso, Noticias del Império, qui raconte l’histoire tragique de Maximilien à travers les visions hallucinées de Charlotte recluse dans son château de Bouchout.
Juste avant son exécution l'archiduc Maximilien tout en marchant vers le lieu du supplice, tendra à l'abbé sa montre qui renferme le portrait de "Carla" et dira : "envoyez ce souvenir en Europe à ma bien chère femme, si elle vit, dites lui que mes yeux se fermeront avec son image que j'emporte là-haut". Puis il s'exclamera : " Je pardonne à tous, que tous me pardonnent. Que mon sang prêt à couler soit répandu pour le bien du pays. Vive le mexique ! Vive l'indépendance !
En 1963, le président de la république mexicaine, Lopez Mateos, effectua une visite officielle en France. A cette occasion, le général De Gaulle lui offrit les drapeaux mexicains pris par les troupes françaises lors de la reddition de Puebla un an après la bataille du 5 Mai. Ce geste le rendit très populaire au Mexique d'autant plus que c'était le seul chef d'Etat capable de s'opposer à la toute puissance nord - américaine.
L'année suivante en Mars 1964, le général de Gaulle est reçu triomphalement au Mexique par son homologue, le Président Lopez Mateos, et prononce à Mexico depuis le balcon du palais national place du Zocalo son fameux discours dit de "La mano en la mano" (et Viva Mexico !). "... el pueblo frances y el pueblo mexicano... marchemos la mano en la mano y viva Mexico !..." Ce voyage fut un triomphe et laissa un souvenir impérissable.
Ainsi prit fin l’aventure française au Mexique
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Cette page a été réalisée en collaboration avec Yves Robin
Docteur en histoire de l’université de Puebla, Mexique. Docteur en civilisation latino-américaine de l’Université de Nantes, France.
Titre de la thèse : « Contribution des manuels scolaires à la formation d’une mémoire collective : l’interprétation de l’image de la France dans les livres de textes gratuits mexicains (1960-2000) ».